Le burn-out

La semaine dernière j’ai évoqué la nécessité de ralentir, aujourd’hui je vais vous parler d’une des conséquences de cette sur stimulation de notre cerveau, le burn out.

Peut être certains s’en souviennent, il y a une dizaine d’années il y avait eu une vague de suicides chez des cadres dans de grandes sociétés, ces personnes avaient été diagnostiquées en burn out. Ces décès m’ont vraiment marqué, je me souviens avoir été vraiment choqué qu’un emploi puisse pousser à une telle décision.

J’ai longtemps cru que les personnes qui faisaient des burn out étaient des personnes « faibles », dans le sens qui manquait de courage, de ténacité. En réalité, c’est tout l’inverse. Voici mon histoire.

En 2002 j’ai intégré un des services achats d’un gros groupe de Travaux publics. J’ai tout de suite beaucoup aimé mon travail, j’avais des collègues sympas et une hiérarchie plutôt bienveillante.

Les années ont passées, beaucoup de changements, une dégradation des conditions de travail, toujours plus, comme un peu partout… Je voyais des collègues partir, et moi qui en était bien incapable.

Début Mai 2018, je suis fatiguée, mais ce n’est pas grave, mon mari m’offre un séjour à Saint Petersbourg en Russie pour mes 40 ans. 5 jours merveilleux et incroyables ! Des nuits de 12 heures également qui me questionnent, est ce que je n’aurai pas une carence pour être aussi fatiguée ?

Je reprends le travail, c’est dur, vraiment dur. Chaque matin j’ai cette pensée : un jour je ne pourrai pas sortir de mon lit. Mais je m’accroche. Des journées très longues, des reproches, une communication qui se dégrade avec les clients internes. J’ai grimpé dans la hiérarchie pour être en première ligne de tirs… Et ils sont nourris.

Ma collègue et amie qui est là depuis 2023 craque définitivement. Encore un gros coup dur. La charge d’activité atteint un pic jamais égalé. Chaque jour nous accumulons encore un peu plus de retard. Chaque soir je pleure en arrivant dans ma voiture, je conduis en pilote automatique. Je suis épuisée de cette situation mais je me sens tellement impuissante, alors j’encaisse, encore et toujours.

28 Mai, j’ai 40 ans. On fête ça avec les collègues, mais le cœur n’y est pas.

30 Mai, une journée comme une autre, celle de trop. Je décide de prendre le taureau par les cornes. Ma collègue étant toujours absente j’établis un plan de tâches pour un intérimaire que je vais soumettre à mon responsable. Il botte en touche pour encore d’obscurs raisons… Et là le grand patron débarque. J’y vois l’opportunité de me faire enfin entendre. Je lui fais part de ma demande.

L’échange qui a suivi était lunaire… Je lui explique que je ne peux pas faire plus (je travaillais à 80% et je réalisais 110% de l’activité de mon service), que je ne prends plus de pause déjeuner, je faisais 8h – 18h. Ce à quoi il me répond qu’en tant que cadre je n’ai qu’à prendre une pause plus longue, rester le soir et éventuellement faire comme lui et venir travailler le we. Quand à mes collègues on allait leur proposer « un petit quelque chose » pour qu’ils fassent des heures supplémentaires…

Je suis repartie comme sonnée, en état de choc. Je me noyais il venait de m’appuyer sur la tête.

C’est finalement une collègue d’un autre service qui me voyant complètement anéantie qui m’a poussé à prendre rdv chez mon médecin.

Lui qui n’a jamais de dispo en avait une le lendemain matin a 8h30.

Je suis retournée à mon poste, j’ai expliqué en toute transparence la situation à mon équipe.

Le lendemain je suis arrivée chez mon médecin, terrorisée à l’idée qu’il ne veuille pas m’arrêter.

Il a ouvert la porte et moi j’ai ouvert les vannes. J’ai passé au moins 5 mn à répéter, je ne veux pas y retourner, je ne veux pas y retourner ! Ce à quoi il m’a répondu : non, c’est sur que vous n’allez pas à retourner !

9 mois.

C’est ce qu’il m’a fallu pour me reconstruire. Les 5 premiers mois j’ai énormément dormi. Aller chercher mes courses au drive me coutait 1h30 de sieste. Aller brosser mon poney me réclamait une heure de sieste.

Pendant des années mes collègues me surnommait affectueusement « La bible » parce que j’avais une excellente connaissance de nos fournisseurs. Après le burn out j’ai perdu la mémoire. Ca faisait à l’époque 20 ans que j’habitais la région de Dourdan. Le GPS m’était indispensable pour aller voir mon cheval, faire mes courses. Je me souviens d’un épisode, je sortais de chez le kiné qui était a 500 m du collège de ma fille. Impossible de me souvenir du trajet.

J’ai eu la chance d’être bien accompagnée par mon médecin, le médecin de la sécurité sociale a été hyper bienveillante également, et c’est loin d’être une généralité.

Voilà les dégats que peuvent faire la charge mentale. Ce n’est qu’une histoire parmi tant d’autres.

Apprenez à mettre des limites à votre courage et à votre ténacité. J’ai passé 16 ans d’excellents loyaux services dans cette entreprise. Ils n’ont jamais pris la peine de me contacter en arrêt maladie. Ils ont même fait paraître une annonce de recrutement avec mon poste.

Ce n’est qu’un travail, mais c’est votre santé, et vous n’en avez qu’une.

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